Train pour Milan

Image originale d'Agnès Kuster-Fernex

Juste avant le confinement à cause du covid 19. Prendre le train pour aller travailler. Sa destination : Milan, le centre épidémique du moment. Pendant le court voyage entre Bâle et Lucerne la confrontation avec une nouvelle réalité en émergence – un terrible effet de miroir…

Train pour Milan (2020)

Triste train en fleurs
Pruneliers d’un blanc vibrant
Variété de ciels bleus
Virant au gris
Train triste
Traverse le paysage en fête

Quel silence
Quelques voyageurs
Perplexes
Parlent à voix basse
Dans le train pour Milan
Peut-être le dernier

Sorti d’un doux sommeil
D’un coup
Tu te rappelles
ici et maintenant
Comme un coup de fouet
Dernier bilan sur l’i-phone les mille morts dépassé

Dans le train qui va vers le pays où fleurissent les citronniers
Images de beauté
Légèreté
bien être

D’un coup images de la maladie
Et de la méfiance réciproque

Les cafés vides
Vides les places…

Tout se ralentit, s’arrête

Le vide s’installe

Impossibilité de l’éviter
Confrontation à soi-même
Confrontation à l’angoisse
En tant que tel

Angoisse de l’autre
De ses paroles, de son contact, de sa respiration

Changement de la perception des choses
Prise de conscience
Partout

Surfaces
Boutons
Poignées

Un être invisible
Guète

Miroir

Résisterai-je

Qui en moi
résiste
ou cède

interdiction
de se promener dans la rue
sans but précis

interdiction d’aller au café pour regarder passer les gens

interdiction d’aller travailler dans son bureau
danger de rencontrer des collègues

interdiction de s’approcher de l’autre

la vie se recroqueville sur elle-même

elle est transférée au niveau digital

l’économie mondiale est en chute libre

qui en profitera ?

Image: Agnès Kuster-Fernex